Expertise…

Confronté à une œuvre à analyser l’expert(e) d’un artiste fait appel, au-delà de sa première et instinctive impression (qui en réalité est la somme instantanée d’années de recherches et d’examens) à sa mémoire, à son émotion, à ses connaissances aussi pointues que possible, sur l’artiste, sa vie, ses œuvres. Il examinera le medium utilisé, le support, habituel ou pas, compatible ou pas avec la date de création supposée de l’œuvre, la signature ou monogramme, les éventuelles inscriptions au dos de l’œuvre, une dédicace, d’éventuelles étiquettes d’expositions, de transports, de provenances.

L’expert(e) rassemblera d’une manière impartiale et objective toutes les informations factuelles et non factuelles qui ensemble le ou la conduiront à se forger une opinion sur l’authenticité d’une œuvre. Certains cas sont compliqués, d’autres d’une telle simplicité qu’on se demande d’ailleurs pourquoi il est nécessaire de se poser la question.

C’est le cas de cette gouache dont le grotesque faux monogramme est une premier signe très clair d’une probable supercherie. Avant même d’analyser le support de l’œuvre, le medium utilisé est un deuxième drapeau rouge puisque Théo Van Rysselberghe n’a jamais utilisé la gouache pour créer une œuvre uniquement avec ce medium. Situation connue à ce jour mais on n’est jamais à l’abri d’une découverte. On trouve donc ci et là de rares traces de gouache utilisée comme rehauts sur quelques œuvres. Confronté à un faux monogramme sur un medium quasi inexistant dans le corpus connu de l’artiste l’expert(e) se forge rapidement une première opinion.

Quand l’examen scientifique du support, révèle un papier n’existant pas encore à l’époque de la création supposée de l’œuvre (1899/1900), l’affaire est entendue. Enfin, devrait être entendue, dans un monde idéal. Accessoirement cette œuvre n’a aucun historique avéré avant son apparition en 1984 dans une salle de vente de Bruxelles et ses prétendues références historiques sont celles d’autres œuvres, authentiques elles, du même sujet connu, la côte autour d’Ambleteuse, et effectivement peintes en 1899/1900. Il est donc surprenant de retrouver ce qu’il faut bien qualifier de faux, c’est du moins notre opinion et intime conviction dans une publication consacrée à l’œuvre de Théo Van Rysselberghe publiée en 2003. Son auteur la considère comme authentique et c’est son droit, mais c’est sur cette seule base qu’elle s’est retrouvée en vente publique à New York chez Sotheby’s en mai 2006, estimée quand même 150/200.000 dollars. Fort heureusement personne n’y a cru et n’en a voulu puisqu’elle est restée invendue (elle n’a pas été retirée de la vente mais bel et bien proposée aux enchères, confirmation de Sotheby’s 3/6/25) avant de s’en retourner chez son propriétaire qui ensuite et toujours sur base de la publication de 2003 est parvenu à tromper la vigilance d’une conservatrice de musée (Lodève) qui n’a pas hésité à l’inclure dans une exposition consacrée à l’artiste. On ne peut que le regretter car ce genre d’erreurs a de fâcheuses conséquences, le faux se retrouvant reproduit dans un ouvrage dont on peut ensuite se servir pour tromper un éventuel acheteur. Il serait sans doute intéressant de connaître l’acheteur de 1984…